L'ostéopathie animale, un "métier passion"


L'ostéopathie animale, un "métier passion"


     Confucius a dit « choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie ».

     C’est pas faux. Et c’est pas complètement vrai non plus.

 

    Quand on choisit cette voie, l’ostéopathie animale, on est animé par cette passion dévorante, débordante des animaux. Parce qu’enfant, on les comprend, on se sent compris par eux, mieux que par les humains, on se sent aimé d’un amour inconditionnel et juste. L’hypersensibilité devient une force plus qu’une faiblesse au contact des animaux.

    Rapidement, on a envie de les soigner, de les aider, de leur rendre un peu de ce qu’ils nous apportent. Alors plusieurs choix s’offrent à nous, la voie vétérinaire ou celle que j’ai choisi, la voie de l’ostéopathie.


     Les années d’études sont longues et difficiles, mais on s’accroche parce qu’on sait que c’est notre chemin. La « vraie vie », on ne la connaît pas vraiment, mais on se l’imagine chaque jour. On rêve, on fantasme. Se lever chaque matin avec comme seul but : être au contact des animaux. N’est ce pas le début d’un rêve éveillé? Cinq années passent, on a travaillé dur, on a répondu à toutes les exigences, on a validé tous les examens nécessaires au commencement de l’activité…


      Ça y est, on est ostéopathe pour animaux.


    La vie alors rêvée n’est déjà plus tout à fait celle qu’on avait en tête. Les coups de fil se font rares, les rendez-vous sporadiques. On passe plus de temps sur la route et à attendre qu’en consultation. Mais peu importe, quand on a un rendez-vous, c’est le graal! Enfin, on fait ce pour quoi on a tant travaillé. Et on le fait du mieux possible, avec notre cœur et notre passion.


     Les années passent, le carnet de rendez-vous se remplit. On vit enfin notre rêve éveillé : le réveil sonne chaque matin, on sait pourquoi on se lève avec entrain. On soigne les animaux, le bonheur! La passion est toujours là, elle nous anime, mais elle commence à prendre le pas sur le reste : on ne sait pas dire non, on rajoute des créneaux sur les soirées, les jours de repos, parfois les vacances. On répond aux sollicitations du matin au soir, du lundi au dimanche, de janvier à décembre. Bientôt, on ne se définit plus que par son travail - oups, sa passion. Et puis l’entourage, les clients, la société aussi nous définissent par notre passion : « waouh, ostéopathe pour animaux, mais ça doit être super de câliner des animaux toute la journée, et d’être payé pour ça! ». Parce que oui, il faut bien se rendre à l’évidence, c’est une passion, mais à partir du moment où c’est ce qui nous fait vivre, c’est devenu un métier. Avec son lot de difficultés.


    A force de tout donner dans cette passion dévorante, on s’oublie. En tant qu’individu : on travaille tellement qu’on n’arrive plus à trouver du temps pour soi, activités, loisirs, relations sociales… Et en tant que thérapeute : tout se mélange, le pro, le perso, on ne sépare plus l’individu du thérapeute, et les deux se noient.

     Quand le premier voudrait souffler, le second - qui est aussi chef d’entreprise - dit qu’il faut payer les charges à la fin du mois, la révision de la voiture et tout un tas d’autres factures.

    Quand le premier est fatigué, le second aspire à pouvoir prendre demi-journée de repos, puis se souvient qu’il a encore quatre rendez-vous à caler, dont deux urgences et subit la pression d’une clientèle de plus en plus exigeante.

    Quand le premier commence à râler, se plaindre et perdre l’envie de se lever chaque matin, le second lui répond « t’as la chance de faire un métier passion, alors tais-toi et continue ».

     Quand le premier craque, le second explose et personne ne comprend ni l’un, ni l’autre.


    Faire un « métier passion » est une chance inestimable, c’est vrai. Mais c’est aussi un équilibre précaire et difficile à trouver entre tout donner mais ne pas s’oublier en cours de route. Être un bon thérapeute, c’est aussi s’accorder du temps, de l’importance et savoir poser des limites. « Être passionné » ne devrait jamais se transformer en « être prisonnier ».


    On est déjà indépendant, chef d’ entreprise, seul face aux difficultés administratives, avec une pression non négligeable de la clientèle lorsque parfois on est le dernier espoir de guérison de l’animal, dans un métier de plus en plus concurrentiel, avec des relations interprofessionnelles pas toujours simples à gérer, et un risque relativement important d’accident entre les milliers de kilomètres parcourus, les chevaux et vaches qui tapent, les chiens qui mordent et les chats qui griffent…


     On n’est pas des super héros, juste des humains passionnés, avec une cape dans le dos…


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